c) Être juif, un combat quotidien

            En Janvier 1933, Hitler arrive au pouvoir. Dès lors, le nouveau chancelier va s’employer à appliquer les principes du livre qu’il a rédigé en prison en 1923, Mein Kampf. Un régime de terreur s’installe. Les Juifs sont mis au ban de la société ; dépouillés de leurs droits et de leurs biens, ils sont isolés du reste de la population, puis déportés dans des camps de concentration, où ils sont condamnés au travail forcé, délibérément sous-alimentés et maltraités.

Anne Frank a tenu son journal entre le 12 juin 1942 et le 1er août 1944. Elle couche sur papier sa vie de tous les jours, comme l’ont fait tant d’autres adolescentes avant elle ; seulement, Anne est juive, c’est la guerre, et elle se cache. Elle et sa famille ont fui l’Allemagne, la ségrégation, la difficulté d’être juif dans un pays nazi, et émigré aux Pays Bas, terre d’asile, à l’abri de la menace nazie. Mais la guerre éclate, les Pays Bas sont envahis, et capitulent aussitôt. Se succèdent bientôt des mesures, au départ anodines, puis de plus en plus rigoureuses, contre les Juifs. Plus de doute, il faut se cacher. Dans l’immeuble qui abritait les bureaux d’Otto Frank, le père d’Anne, ils aménagent l’Annexe, cachette qui les accueillera bientôt, avec une autre famille. Dans son Journal, Anne décrit l’Annexe comme « une cachette idéale » et, « bien qu’elle soit humide et biscornue, il n’y en a probablement pas de mieux aménagée ni de plus confortable dans tout Amsterdam, voire dans toute la Hollande». En effet, dans la plupart des cas, les clandestins se cachent dans des endroits exigus, des sous-sols confinés ou des greniers poussiéreux. Plusieurs personnes sont au courant de la vie clandestine des Frank ; ces « protecteurs » permettent aux habitants de l’Annexe de vivre presque confortablement en leur fournissant des vivres et des vêtements, mais aussi en leur apportant des nouvelles du dehors, des livres, des revues, et surtout un grand soutien moral. Grâce à eux, la famille vécût recluse dans l’Annexe pendant plus de deux ans, dans la peur omniprésente d’être découverte, obligée de chuchoter, et parfois condamnée de longs moments au silence et à l’immobilité. Mais dans les villes, le risque de dénonciation est grand ; aussi le vendredi 4 août 1944, une voiture s’arrête devant la maison. Des policiers du Sicherheitsdienst, service de renseignement et d’espionnage du parti nazi, en descendent et se précipitent dans l’immeuble. Ils se dirigent droit vers la porte camouflée de l’Annexe, et exigent qu’on l’ouvre. Les clandestins ont été dénoncés.

Anne Franck (1929-1945)

Étoile jaune que tous les juifs devaient porter pendant l'occupation des nazis.

L'immeuble à appartements sur le Merwedeplein Anne Frank vécut de 1934 à 1942, dans l’Annexe.

Ils furent déportés au camp de travail de Westerbork, qui inspirait déjà une peur bleue à Anne alors qu’elle était cachée, lorsqu’elle entendait les récits de ceux qui s’en était échappé : « Westerbrok doit être épouvantable. On ne donne presque rien à manger aux gens, et encore moins à boire, car ils n’ont de l’eau qu’une heure par jour et un W.C. et un lavabo pour plusieurs milliers de personnes. Ils dorment tous ensemble, hommes, femmes et enfants ; les femmes et les enfants ont souvent la tête rasée. Il est presque impossible de fuir, les gens du camp sont tous marqué par leur têtes rasées et pour beaucoup aussi par leur physique juif ». Les déportés furent ensuite transférés à Auschwitz, puis Anne et sa sœur à Bergen-Belsen où elles moururent du typhus en mars 1945. Otto Frank, resté à Auschwitz, fut libéré par les Russes en janvier 1945 et, de retour à Amsterdam, parvint à faire publier le Journal, dont les manuscrits avaient été précieusement conservés par une de leur « protectrice ».

Ce témoignage parfois drôle, parfois déchirant, d’une enfant bouillonnante de vie et pleine de talent, obligée de se dissimuler avec sa famille pour échapper à la déportation, est devenu un symbole des victimes de la barbarie nazie.


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